Microanalyse et criminalistique
Les échantillons que LLR reçoit désormais, ainsi que les dossiers qu’on lui amène à étudier, ne font que conforter le bilan de l’état de la police technique et scientifique française tel qu’il lui avait été brossé par la D.S.T. : il est lamentable. Non seulement les laboratoires interrégionaux de police scientifique sont inefficaces et préhistoriques, mais même si ce n’était pas le cas, le résultat serait identique. Car les meilleurs spécialistes du monde ne peuvent faire de l’excellent travail que si les échantillons soumis à leur sagacité sont de bonne qualité.

Or les pièces à conviction que LLR reçoit lui posent presque toutes des problèmes car, prélevées n’importe comment, elles s’avèrent parfois inexploitables. Et pour une bonne raison : aucun enquêteur, qu’il soit policier ou gendarme, n’est formé aux techniques de prélèvements extrêmement méticuleuses exigées pour l’exploitation des scellés au microscope électronique. Ce qui, d’ailleurs, est logique, puisque la microanalyse est encore inconnue en France dans le domaine de la criminalistique.

LLR décide donc de mettre au point toute une série de procédures à respecter scrupuleusement afin que les indices récoltés sur le terrain le soient dans les meilleures conditions possibles, c’est-à-dire sans pollution.

En décembre 1985, LLR publie un gros document (1) dans lequel il explique, exemples à l’appui, ce qu’est la micro-analyse, la manière de collecter les indices et les précautions à prendre pour ne pas polluer les scènes de crimes.

LLR expose tout d’abord ce qu’il appelle « Les Trois Principes de Base de la Microanalyse » :
1 – Il n’existe pas deux objets ou deux individus qui soient en tous points identiques ;
2 – Tout objet et/ou tout individu porte sur lui son curriculum vitae, les traces des évènements qu’il a vécus et celles des endroits où il a séjourné ;
3 – Deux objets ou deux individus entrant en contact l’un avec l’autre échangent des informations. Ce troisième principe avait déjà été énoncé par Locard… mais jamais exploité depuis sa mort !

Le second message que LLR fait passer est celui du « Gel des Lieux » : Empêcher quiconque d’accéder à la scène du crime, ou en faire sortir dès que possible tous les non spécialistes sans distinction de fonction ou de grade, puis attendre sans toucher à rien l’arrivée des spécialistes de terrain.

Le troisième message concerne la Non Pollution de la Scène de Crime par ces spécialistes eux-mêmes. Puisque tout homme modifie l’environnement dans lequel il évolue, les spécialistes de terrain doivent donc être revêtus d’une combinaison intégrale en plastique (non pelucheuse), porter un calot et des gants de chirurgien, et avoir enfilé des couvre-chaussures en plastique.

LLR décrit ensuite et explique l’utilisation du tamponnoir, petit ustensile tout simple qu’il a inventé, composé d’une pastille d’aluminium d’un centimètre de diamètre munie d’une queue de préhension et recouverte d’un adhésif double-face, lui-même protégé par une pellicule jetable qu’on enlève juste avant l’utilisation du tamponnoir.

Cette dernière enlevée, il suffit de promener le tamponnoir sur n’importe quel type d’objet ou de corps pour y recueillir toutes les particules superficielles qui s’y trouvent, y compris celles invisibles à l’oeil nu.

Conçus pour être introduits ensuite directement dans le M.E.B., les tamponnoirs évitent tout risque de pollution entre l’instant du prélèvement et celui de leur étude au laboratoire. Une des principales applications du tamponnoir est la recherche de résidus de tir (traces de poudre, éléments de munition, etc.) sur les mains d’un cadavre ou d’un suspect.

Le brevet (2) du tamponnoir est déposé le 4 mars 1986.

Brevet tamponnoir (télécharger le document pdf)

LLR énonce enfin sa théorie des Prélèvements Conservatoires, c’est-à-dire les prélèvements à réaliser systématiquement sur le terrain, lors d’une autopsie et sur le (ou les) suspect(s), en attendant que l’affaire s’éclaircisse… ou se complique. L’avantage des prélèvements conservatoires, c’est qu’ils sont réalisés immédiatement après la découverte des faits, autrement dit dans de bonnes conditions, et peuvent éventuellement être étudiés longtemps après s’il y a complément d’enquête ou rebondissement quelconque.

Parmi les prélèvements conservatoires systématiques figurent notamment la saisie des cheveux de la victime et de ses proches, le curage des ongles, le tamponnement des mains, la saisie des vêtements, de tous les objets ensanglantés, etc.

Son ouvrage (fourni par LLR gratuitement) est immédiatement diffusé par le capitaine Laval dans toutes les sections de recherches de France.

C’est une véritable bombe que LLR vient de lancer, et les gendarmes de terrain se jettent sur le document pour l’étudier avec passion.

LA VALISE PPM

Conscient de l’immense dénuement dans lequel pataugent les enquêteurs, LLR invente dans la foulée (décembre 1985) une petite mallette qu’il baptise « Valise P.P.M. » (Prélèvements Pour Microanalyse) contenant tous les accessoires et instruments indispensables pour réaliser dans d’excellentes conditions les prélèvements sur le terrain.

LE VEHICULE D’INTERVENTION

Au début de 1987, considérant que 80 % des affaires au moins pourraient être quasiment résolues sur le terrain si des techniciens très qualifiés se rendaient sur place avec un minimum de matériel d’analyse, LLR conçoit un véhicule d’intervention.

Celui-ci est un tout terrain Mercédès 230 à châssis long. Spécialement aménagé, il est équipé de multiples casiers de rangement, d’un évier, d’un réfrigérateur, d’une réserve d’eau, d’une table de travail et de lumières additionnelles. Le matériel embarqué est impressionnant : un laser de terrain américain (le premier introduit en France), un microscope optique, une loupe binoculaire, un groupe électrogène, une provision de valises P.P.M., des masques anti-odeurs, des révélateurs de drogue et d’explosifs, toutes sortes d’outils allant de la pelle pliante à la scie égoïne, une collection de combinaisons intégrales, de gants, de couvre-chaussures et de calots, du matériel photographique avec des films normaux et d’autres à développement instantané, un radio-téléphone, une sirène deux-tons, un gyrophare, etc.

Au salon Milipol de novembre 1987, ce véhicule sera salué par Le Figaro comme une des deux seules vraies innovations de la manifestation.

(1) Microanalyse & Criminalistique, 131 pages, 101 photographies, 22 figures.

(2) Enregistré à l’Institut National de la Propriété Industrielle sous le n° 86 03121, et ensuite officiellement accordé avec la mention «Aucune antériorité n’a été relevée » (ce qui signifie que le tamponnoir constitue bel et bien une innovation méritant un brevet accordé par l’Etat).