Premiers pas
La D.S.T., enchantée des résultats que LLR lui a procurés dans plusieurs affaires, commence à diffuser dans le milieu judiciaire des informations sur les performances du C.A.R.M.E. et, de bouche à oreille, les premiers travaux sont confiées à LLR par des magistrats embarrassés par des affaires impossibles à résoudre par les moyens traditionnels ou gâchées par les laboratoires de police.
Dès 1983, la preuve est faite que le C.A.R.M.E. peut rendre service non seulement aux industriels en détresse, mais aussi aux magistrats et aux enquêteurs de la police et de la gendarmerie.
Car que trouve-t-on sur les lieux d’un crime ? De tout. N’importe quoi. L’écume matérielle de vies brisées à un moment donné par un évènement brutal et imprévu dont le lieu du crime recèle toujours des traces qu’il convient de découvrir puis d’exploiter. Le travail d’un enquêteur est intellectuellement très proche de celui d’un géologue : à partir des éléments qu’il découvre, essayer de déterminer les conditions qui régnaient dans un environnement donné à un moment donné dans un passé plus ou moins lointain.
Or, au C.A.R.M.E., LLR dispose déjà d’une équipe pluridisciplinaire dont les membres sont spécialisés en géologie, sédimentologie, métallurgie, biologie, chimie, oeuvres d’art et électronique.
Conscient de l’importance que représente un tel potentiel intellectuel, LLR adresse le 10 novembre 1983 une lettre au professeur Ceccaldi (directeur du laboratoire de la préfecture de police de Paris) pour lui proposer sa collaboration. Celui-ci répond fort aimablement en ces termes : « Aucun laboratoire de police n’étant en France doté d’un microscope électronique à balayage, ni d’une microsonde, il serait souhaitable d’envisager votre collaboration technique à l’étude de problèmes spécifiques».
Lettre au Professeur P.F. Ceccaldi (télécharger le document pdf)
Fort de cet encouragement, LLR écris le 13 janvier 1984 à Gaston Defferre (alors Ministre de l’Intérieur) pour lui proposer d’effectuer «des analyses de poussières, de sols, d’ossements, de balles, de métaux, de micro-organismes, etc.» LLR en profite pour lui demander rendez-vous afin de lui exposer en détail son programme de rénovation de la police technique et scientifique française.
Six mois plus tard, LLR n’a toujours pas de réponse.
Ce n’est qu’après l’intervention d’un député (Kléber Haye, député de la Gironde) que LLR est enfin reçu, non pas par le ministre mais par Georges Simonin, chef du service central de l’identité judiciaire. Celui-ci lui indique tout simplement qu’il ne dispose d’aucun pouvoir de décision ni de moyen d’action, mais que » de grandes choses se préparent «, dont il avoue d’ailleurs tout ignorer, et que tout ce qu’il peut faire, c’est d’informer les laboratoires de police que LLR existe. Néanmoins, il se déclare très intéressé par tous les documents que LLR pourrait lui fournir sur ses activités actuelles et ses recherches en cours.
Six jours plus tard, Simonin reçoit cinq exemplaires d’un épais dossier dans lequel LLR expose toutes les applications de la microanalyse en criminalistique. LLR ne reçoit pas le moindre accusé de réception mais, sans se décourager pour autant, il adresse en février 1985 une lettre au Directeur central de la police judiciaire dans laquelle il propose purement et simplement d’héberger au C.A.R.M.E. des techniciens de la police et de les former gratuitement.
Cette offre généreuse n’est même pas honorée d’un simple remerciement. Et sans doute est-ce un hasard si, deux mois après, Joxe (Ministre de l’Intérieur ayant succédé à Gaston Deferre) juge brusquement «déprimant» l’état de la P.T.S. et lance à grand bruit son «projet de rénovation de la police scientifique» dont nous aurons l’occasion de reparler plus loin. Ce projet reprend tout simplement les grandes lignes du dossier de LLR… Pour réaliser ce programme que LLR offrait gracieusement, Joxe fait débloquer… 170.000.000 de francs (26 millions d’euros).