Les moyens techniques disponibles en 1987
D’O’Keeffe à Chanal en passant par Falvay
Les prélèvements dans le camping-car
Les résultats des analyses
La saga des grains de sable
Le rapport de surexpertise
Une avalanche de coïncidences

Dans cette affaire très médiatisée, tout fut mis en oeuvre par les autorités au plus haut niveau pour que la vérité ne soit jamais connue. L’objectif n’est pas de faire ici l’historique de cette affaire, d’autres l’ont fait et beaucoup d’autres continueront.
Ne sont développés que certains aspects scientifiques des expertises, qui constituent un scandale dans le scandale. Car des experts orthodoxes, dont des professeurs de géologie assermentés, ont délibérément ignoré la validité et la précision de l’exoscopie, et même sont allés jusqu’à nier purement et simplement l’existence de cette méthode.
Ils ont « oublié » que celle-ci est officiellement définie comme la « méthode de détermination de l’histoire sédimentaire des grains de sable par étude de leur surface au microscope électronique à balayage.»
Ils ont « oublié » les sédimentologues unanimes à saluer la découverte de LLR : « Loïc Le Ribault est un pionnier », lisait-on dans la Revue de Géographie Physique et de Géologie Dynamique. « Parmi les utilisateurs du microscope électronique en sédimentologie, c’est le chercheur qui aboutit aux résultats les plus passionnants ».
Ils ont « oublié » qu’après la parution de son second livre, en 1977, un professeur de géologie écrivait : « La publication de cet ouvrage fait plus, pour le maintien du français au niveau de langue scientifique internationale, que tous les discours officiels ».
On pourra objecter que ces louanges saluaient la découverte d’un étudiant de vingt-quatre ans à peine, autrement dit voici bien longtemps. Depuis, Le Ribault a vieilli, et peut-être, selon le principe de Peter, a-t-il atteint son niveau d’incompétence en exoscopie ?
L’ennui, c’est que d’autres que lui ont constaté et salué la fiabilité de l’exoscopie. Et non des moindres : des géologues du F.B.I. par exemple.

Les moyens techniques disponibles en 1987

Au moment où commence l’affaire Chanal, la justice – si elle veut bien s’en donner la peine – dispose donc de l’appui du C.A.R.M.E., seul laboratoire du monde spécialisé en exoscopie ; autrement dit, elle peut utiliser un instrument unique si, dans une affaire criminelle quelconque, se pose un problème de sable.
Et dans l’affaire Chanal, on va beaucoup parler de sable…
On va en parler pendant vingt ans !

D’O’Keeffe à Chanal en passant par Falvay

Le L.I.P.S. (Laboratoire Interrégional de Police Scientifique) de Lille est chargé par un premier magistrat d’effectuer l’analyse de la terre prélevée sur les lieux ainsi que sur les vêtements de la victime. Les experts sont messieurs Haguenoer et Lancelin, qui remettent leur rapport le 21 juin 1988 et concluent n’avoir découvert aucun indice permettant de faire progresser l’enquête.

1987 : le 8 août, près d’Alaincourt (Aisne), on découvre le corps de Trevor O’Keeffe, jeune Irlandais de vingt ans parti quelques jours auparavant de chez lui pour chercher du travail en Suisse.
Août 1988 : Le 9 août, dans un petit chemin perdu à l’orée du bois de Bussières, le maréchal des logis-chef Jeunet, de la gendarmerie de Mâcon, fait stopper un Combi Volkswagen vert qui l’intrigue. Le propriétaire du véhicule se présente : c’est un nommé Pierre Chanal, adjudant-chef affecté à Fontainebleau. Le chef Jeunet fait le tour du camping-car et jette un coup d’oeil à l’intérieur du véhicule, où il a l’impression de distinguer une forme humaine cachée sous une couverture. Le gendarme demande à Chanal de lui ouvrir la porte, et constate qu’un jeune homme gît bel et bien sur la couchette du camping-car. Mais il est ligoté avec des chaînes et des sangles. Libéré de ses entraves et visiblement soulagé, le jeune homme s’exclame, en anglais, qu’il est en danger et demande qu’on le protège. Il est Hongrois et se nomme Baläzs Falvay. Chanal explique que cette mise en scène n’a d’autre but que de satisfaire les fantasmes sexuels de son compagnon, parfaitement consentant. Pourtant, le Hongrois ne semble pas partager cette belle sérénité et le brigadier emmène les deux hommes au poste, où éclate la vérité : Chanal, après avoir fait monter dans son véhicule Falvay qui faisait de l’auto-stop, l’a séquestré puis violé en filmant ses exploits.

Chanal est arrêté, et les enquêteurs opèrent un rapprochement entre lui et les évènements qui, depuis 1980, se sont produits dans ce qu’on appelle le « triangle maudit », périmètre de quinze kilomètres formé autour de Châlon-sur-Marne par les camps militaires de Mourmelon, Suippes et Mailly.
Là, sept appelés ont disparu sans laisser de traces, et il se trouve que trois d’entre eux travaillaient sous les ordres de Chanal alors qu’il occupait les fonctions de sous-officier instructeur au 44ème régiment de dragons de Mourmelon.

Interrogé sur ce point, Chanal reste muet.
Les gendarmes ont toutefois saisi une pelle dans son véhicule, et se demandent si celle-ci, elle, pourrait « parler ».

Car ils se souviennent de la découverte du cadavre d’O’Keeffe un an plus tôt, et du fait que le cadavre était vêtu de ses effets personnels, à l’exception du slip, de fabrication française et de taille 38-40 alors que la sienne était 30-32. Or, Chanal porte des slips de taille 38-40. Existe-t-il un lien entre la mort d’O’Keeffe et la pelle de Chanal ?
L’analyse de la terre découverte sur la pelle pliante devrait permettre de résoudre le problème.

Les prélèvements dans le camping-car

Octobre 1988 : Elisabeth Mescart, juge d’instruction, nomme le C.A.R.M.E. comme expert. La mission qui est donnée à Loïc Le Ribault est d’effectuer par exoscopie des analyses de comparaison entre la terre prélevée sur la pelle de Chanal (qui fait l’objet du « scellé n° 19 », dont nous parlerons beaucoup par la suite) et celle de l’endroit où a été découvert le cadavre d’O’Keeffe.
Auparavant, la juge demande à LLR d’effectuer des prélèvements systématiques et minutieux à l’intérieur du combi de Chanal. En compagnie d’un de ses ingénieurs (Robert Gatelier), il se rend à Mâcon les 21 et 22 octobre pour s’acquitter de cette mission. Outre Pierre Chanal, menotté, il y a là beaucoup de monde : des gendarmes, le procureur de la République, la juge d’instruction, etc. Pendant deux jours, tout ce beau monde le regarde travailler avec Gatelier. A l’exception de Jean-Marie Tarbes, qui restera en charge du dossier Chanal pendant quinze ans, pas un seul gendarme ne participe aux prélèvements. Le Ribault ne les a pas encore suffisamment formés pour pouvoir se hasarder à les laisser rechercher des indices dans une affaire aussi sensible.

Les résultats des analyses

Décembre 1988 : Le Ribault rend ses conclusions : l’exoscopie des quartz montre que les terres analysées sont identiques. Autrement dit, la pelle de Chanal s’est trouvée en contact avec la terre de l’endroit où a été découvert le jeune Irlandais. De là à conclure qu’elle a servi à creuser la tombe, il n’y a évidemment qu’un pas.

En outre, l’analyse des cheveux révèle le passage de six personnes (sans compter Chanal) dans le minibus, et celle des poils pubiens de quatre individus autres que l’adjudant.

Dès 1988, on sait donc :

  • qu’il existe un lien matériel entre Chanal et au moins un assassinat.
  • que plusieurs inconnus sont entrés dans le minibus de l’adjudant. Il suffirait désormais d’effectuer des analyses comparatives entre les cheveux et poils des « inconnus » et ceux des « disparus » de Mourmelon, dont il est encore possible (et facile) de se procurer des échantillons en explorant les endroits où ils ont vécu.

Mais en dépit de ces évidences, aucune nouvelle expertise n’est ordonnée pendant les sept ans qui suivent.

La saga des grains de sable

La vérité de cette affaire, on s’en doute, n’a rien à voir avec la version floue que la gendarmerie livre aux journalistes et auteurs trop curieux. Mais il est vrai que la « saga des grains de sable » de l’affaire Chanal n’est guère à la gloire des experts orthodoxes ni des magistrats en charge de l’affaire avant l’arrivée du juge Chapart. Et puis, c’est embarrassant de devoir reconnaître qu’on connaissait la culpabilité de Chanal dès 1988…
Pour que la « saga des grains de sables » soit bien claire dans l’esprit du lecteur, rappelons-en les étapes principales :
21 juin 1988 : le L.I.P.S. de Lille conclut que la terre de l’endroit où le corps de Trevor O’Keeffe a été découvert en août 1988 ne contient aucun indice exploitable.

Décembre 1988 : les analyses par exoscopie des quartz prouvent que la pelle de Chanal a servi à creuser la « tombe » de Trevor O’Keeffe.
Septembre 1991 : le C.A.R.M.E., acculé à la faillite, ferme ses portes. Scrupuleusement, Le Ribault rend tous les prélèvements en sa possession au juge chargé à l’époque de l’affaire Chanal. Tous, à l’exception d’un seul : le scellé n° 19, celui contenant la fameuse terre. Un étrange pressentiment le pousse à le conserver précieusement.
29 mai 1995 : avec la complicité d’un professeur d’université, le L.I.P.S. de Lille, chargé de critiquer le rapport de Le Ribault de décembre 1988, conclut que celui-ci n’a aucune valeur et nie même l’existence de l’exoscopie.

Fin 1995 : Le juge Chapart, désormais chargé de l’affaire Chanal, découvre tous les scellés stockés et oubliés dans un grenier du tribunal. Tous, sauf évidemment le scellé n° 19. Après étude du dossier, le juge Chapart se pose des questions sur l’objectivité du rapport d’expertise de la police (29 mai 1995) éreintant les travaux de LLR.
Avril 1997 : Jean-Marie Tarbes, qui a retrouvé la trace de LLR et espère qu’il a conservé le fameux scellé n° 19, lui téléphone. Le Ribault lui répond qu’il doit être classé dans ses archives personnelles, et qu’il va le chercher. Une semaine plus tard, il lui annonce qu’il a retrouvé cette pièce capitale.

4 avril 1997 : Jean-Marie Tarbes et Pascal Chapart se rendent au domicile de LLR. Celui-ci leur rend le scellé n°19 et le juge le nomme surexpert avec comme mission d’étudier et critiquer les rapports « orthodoxes » du 21 juin 1988 et du 29 mai 1995.
Mai 1997 : une contre-expertise de la terre est demandée au L.I.P.S. de Toulouse.
Fin 1998 : Le L.I.P.S. de Toulouse confirme les conclusions de 1988 de LLR : la terre du scellé n° 19 (trouvée sur la pelle de Chanal) est identique à celle de l’endroit où a été découvert le corps de Trevor O’Keeffe.

Le rapport de surexpertise

Nommé surexpert le 4 avril 1997, il reste à Le Ribault à accomplir la mission confiée par le juge Chapart. Celle-ci est la suivante :

  • Prendre connaissance du rapport dressé le 21 juin 1988 par M. Haguenoer et par M. Lancelin ainsi que du rapport dressé le 29 mai 1995 par M. De Coninck et par M. Lancelin dans le cadre de l’instruction 54/87 suivie au T.G.I. De Saint-Quentin (Dossier O’Keeffe).
  • Faire tout commentaire sur ces rapports, et répondre précisément à l’intégralité des remarques formulées dans le cadre de la mission qui leur avait été confiée par M. Lancelin et par M. De Coninck sur les rapports du CARME datés du 23/11/88 et du 19/12/88.
    Et ce que Le Ribault découvre le sidère littéralement :

Le rapport de 1988 démontre en effet que les experts d’Etat n’ont tout simplement pas effectué le travail qui leur avait été demandé, et ont laissé passer par incompétence ou négligence des indices capitaux. A cette époque, les laboratoires de la police n’avaient toujours pas modernisé leurs méthodes utilisées depuis la guerre et n’étaient en conséquence d’aucune utilité pour les juges d’instruction qui, pourtant, ne s’en rendaient pas compte.

Mais le pire, c’est que Loïc Le Ribault a entre les mains les preuves écrites qu’en 1995, quatre ans après la disparition du C.A.R.M.E., celui-ci continuait à terrifier les laboratoires de police au point que leurs experts, pour discréditer sa mémoire, n’hésitèrent pas (avec la complicité de certains membres de l’université) à falsifier des données techniques et à mentir délibérément à un magistrat au risque de ruiner une affaire criminelle de première importance.

Mais une semaine à peine après avoir été nommé surexpert, des amis policiers informent LLR qu’il va être arrêté à nouveau, inculpé cette fois d’escroquerie dans une sombre affaire de tableau. Un très intéressant dossier monté par la Direction centrale de la police judiciaire.
Est-ce vraiment une coïncidence ?
Il quitte alors immédiatement la France pour se réfugier en Belgique, puis dans l’île de Jersey, où il achève en paix son travail de surexpertise. Le 1er novembre 1997 il adresse mon rapport au juge Chapart.
Un an plus tard, en octobre 1998, il émigre en Irlande.

Une avalanche de coïncidences

En Irlande, l’affaire Chanal/Trevor O’Keeffe est ressentie d’une façon d’autant plus douloureuse qu’elle constitue une synthèse de l’incompétence abyssale de la police, de la gendarmerie et de la justice françaises.
Mais, en ce cas précis, s’agit-il bien d’incompétence ?
Ou de volonté délibérée de ne pas résoudre une affaire bien embarrassante ?
Averti de la présence en Irlande de Loïc Le Ribault, le journaliste Harry McGee du Sunday Tribune vient lui rendre visite à l’hôtel où il séjourne. Ils parlent longuement de l’affaire Chanal, et le journaliste apprend à LLR que la mère de Trevor, Eroline, cherche à le rencontrer depuis des années. Quand Le Ribault lui dis que, de son côté, il essaie de joindre celle-ci depuis près de dix ans, il offre de servir d’intermédiaire pour une rencontre.
Celle-ci a lieu le 29 novembre 1998.
Eroline O’Keeffe est accompagnée de sa soeur Noeleen Slattery, docteur en médecines traditionnelles. Unies comme les doigts de la main, elles travaillent toutes deux avec acharnement pour que justice soit enfin rendue dans le meurtre de Trevor.
LLR leur remets un exemplaire complet de son rapport de surexpertise rendu au juge Chapart le 1er novembre 1997… et découvre avec surprise qu’elles en ignoraient jusqu’à l’existence !
A leur tour, elles lui apprennent une série de faits très étranges ou révoltants dont il n’avait pas connaissance :

C’est le samedi 22 août 1987 qu’Eroline et sa soeur Noeleen firent le voyage jusqu’à Saint Quentin pour identifier le corps de Trevor. Le juge était au courant de leur venue, puisque la gendarmerie avait réservé pour elles des chambres à l’Hôtel de Guise. A leur arrivée, elles apprirent que le juge avait fait enterrer Trevor la veille ! Il faudra six semaines à leurs avocats irlandais pour obtenir l’exhumation du corps et l’autorisation de le rapatrier. La décision étant remise de jour en jour, et le juge refusant de les recevoir en dépit de leurs demandes d’audience quotidiennes, les deux soeurs doivent passer une semaine à l’hôtel. A l’issue de celle-ci, les gendarmes leur intiment brutalement l’ordre de rentrer chez elles ( « Go home now ! »).
Durant les cinq semaines suivantes, elles devront revenir trois fois en France, toujours dans l’attente d’une décision qui leur est promise pour le lendemain, mais n’est jamais donnée. Tous les frais de séjour et de voyage sont à la charge des deux soeurs.
Lorsque l’autorisation leur parvient enfin, elles sont seules au cimetière, personne ne leur ayant dit qu’elles pouvaient se faire assister ou remplacer par une personne mandatée.
C’est avec une pelleteuse que, sous leurs yeux, le cercueil est sorti. A cause d’une manoeuvre brutale, il se brise et le corps de Trevor tombe, enveloppé du traditionnel sac de plastique blanc, répandant une odeur épouvantable. Environnées d’un nuage de mouches, les deux soeurs, selon l’expression de Madame O’Keeffe, ont « l’impression de se trouver dans un film de Boris Karloff ». Elles ne peuvent concevoir qu’une telle scène se passe à la fin du vingtième siècle en France.
Elles doivent ensuite acheter un nouveau cercueil en bois, un autre en plomb, et régler elles-mêmes l’ensemble (exhumation comprise) aux Pompes funèbres générales, vers lesquelles elles ont été dirigées… par la gendarmerie ! Pour le voyage de retour, elles devront également régler le prix du voyage du cercueil en fonction du nombre de places qu’il occupe dans l’avion…
Quelques mois après le meurtre, Eroline O’Keeffe reçut une lettre de Joëlle Charnel, une Française qui avait découvert les affaires de Trevor dans une forêt et s’inquiétait pour lui. Quand elle avait informé la gendarmerie de sa découverte, écrivait-elle, au lieu de s’intéresser au sac-à-dos, à la tente, au certificat de naissance et aux divers papiers (dont l’adresse de Trevor en Irlande) ainsi découverts, les gendarmes lui avaient dit de ranger tout simplement toutes ces affaires dans son garage. Surprise d’une telle indifférence, Madame Charnel avait donc écrit à l’adresse figurant sur les papiers. C’est Madame O’Keeffe qui lui apprit la terrible fin de Trevor. Ce sac-à-dos et son contenu n’ont jamais été analysés !
Eroline O’Keeffe souligne que Madame Charnel s’est montrée non seulement plus efficace que la gendarmerie, mais aussi plus humaine que les autorités judiciaires. Ce qui n’est pas étonnant, quand on prend connaissance d’une lettre adressée par un juge français à une mère irlandaise dont le fils a été assassiné et dont il a (théoriquement) le dossier en charge. Admirons la chaleur du style et la compassion de l’homme. Le 10 décembre 1991, donc, le juge Marien du T.G.I. de Saint-Quentin adresse la lettre suivante à Madame O’Keeffe (c’est LLR qui souligne deux passages intéressants) :
« Madame O’Keefe (n.d.LLR : avec un seul « f »), Il résulte de l’autopsie et de l’expertise médico-légale (…) que Trévor (n.d.LLR avec un accent sur le « e ») O’Keefe est mort étranglé au début du mois d’août 1987. Il existe une concordance entre la terre prélevée sur les lieux de découverte du cadavre et sur les échantillons de terre prélevée sur une pelle appartenant à l’adjudant Chanal (…). Les enquêteurs portent actuellement leurs soupçons sur cet individu homosexuel notoirement connu et meurtrier présumé de jeunes appelés du Camp de Mourmelon. Ceci dit, il n’existe pas d’indices matériels ou de charges suffisamment déterminants pour inculper ce dernier du meurtre de votre fils, si bien qu’en l’état du dossier l’auteur de ce crime demeure inconnu. Le juge d’instruction (n.d. LLR : pas la moindre formule de politesse) »
Ce même juge osa d’ailleurs mentir à Eroline ; vers 1995, celle-ci n’avait toujours vu aucune des affaires de Trevor, aussi demanda-t-elle à rencontrer Charles Marien. Elle voulait voir le sac à dos de Trevor pour regarder ce qu’il y avait dedans. Le juge lui dit que c’était impossible, car l’objet se trouvait dans une autre ville. Eroline ayant informé le magistrat qu’elle ne bougerait pas de son bureau avant qu’on lui ait apporté le sac, Marien se leva, ouvrit une porte, saisit le sac et le jeta sur le sol devant Eroline et sa soeur en disant : « C’est fini, maintenant ? »
Le cadavre de Trevor portait des chaussettes blanches avec des rayures au sommet. Des chaussettes identiques avaient été découvertes dans le camping-car. Les enquêteurs dirent à Madame O’Keeffe qu’il s’agissait d’une coïncidence.
Il portait aussi un slip d’homme de fabrication française et de taille 38-40, alors que sa taille était 30-32. Or, dans le camping-car de Chanal, parmi tous les slips de celui-ci, de fabrication française et de taille 38-40, s’en trouvait un de fabrication anglaise et de taille 30-32. Eroline identifia formellement celui-ci comme appartenant à son fils. Les enquêteurs lui dirent qu’il s’agissait d’une coïncidence.
Auprès du corps de Trevor, on avait découvert un mouchoir portant les mêmes initiales que celles de Pierre Chanal. Les enquêteurs dirent à Madame O’Keeffe qu’il s’agissait d’une coïncidence.
A propos des analyses de Le Ribault montrant que la terre trouvée sur la pelle de Chanal était identique à celle de l’endroit où avait été découvert le corps de Trevor, les enquêteurs dirent à Madame O’Keeffe qu’il s’agissait d’une coïncidence.
A partir de 1993, Eroline a demandé à de multiples reprises l’adresse de Loïc Le Ribault à la gendarmerie et aux magistrats instructeurs. A chaque fois, il leur a été répondu que le C.A.R.M.E. avait fermé ses portes et qu’il était introuvable. A l’époque, et jusqu’en 1995, il habitait pourtant à deux cents mètres à peine de la gendarmerie de La Teste, et cinq cents mètres du commissariat.
En février 1996, Eroline, ses trois enfants aînés et quelques uns des membres des familles des disparus furent convoqués pour des prélèvements génétiques. A cette occasion, on montra aux familles endeuillées une bande vidéo d’un homme se masturbant, et violant et torturant un autre homme. On leur demanda si elles reconnaissaient quelqu’un. Chanal avait pris la précaution de ne filmer sa victime et lui-même qu’à partir des épaules.
Les trois frère et soeurs de Trevor ignoraient que leur frère avait été violé avant sa mort.
« Pendant des années, j’ai pensé que quelqu’un l’avait enlevé puis étranglé », dit Eroline ; elle-même n’avait découvert la vérité qu’au cours d’un de ses nombreux voyages en France. Mais elle ne l’avait pas révélée à ses enfants, parce qu’elle pensait « qu’ils avaient déjà assez souffert. Mes enfants ignoraient ce qui était arrivé à leur frère jusqu’à ce qu’ils aient vu le film… »

On apprit plus tard que le juge savait parfaitement que ce film était celui du viol du Hongrois – aucune identification n’était donc nécessaire. La décision de montrer une telle bande aux familles dont les fils avaient souffert était donc une cruauté purement gratuite…
15 avril 2003 : la Cour d’Appel de Reims adresse à LLR une citation à comparaître en qualité d’expert au cours du procès Chanal, qui doit s’ouvrir le 13 mai 2003. Il en est très heureux : ce procès va lui permettre de démontrer publiquement la compromission du laboratoire de police de Lille et de certains universitaires de la même ville.
12 mai 2003 : La veille de sa comparution, Chanal fait une tentative de suicide, provoquant un report de l’audience d’une semaine. Mais son état de santé, compliqué par une embolie pulmonaire, conduit au renvoi pur et simple du procès au mois d’octobre.
Mai 2003 : Le porte-parole du ministère français de la Justice, interrogé par la journaliste Alison Healy (Irish Times) informe celle-ci qu’un mandat d’arrêt international a été lancé contre LLR à la fin du mois de juin 2003, « pour des faits commis entre 1995 et 1996, mais il nous a fallu tout ce temps pour préparer le mandat d’arrêt. » C’est un mensonge, puisque ce mandat ne sera effectivement lancé que le 23 août… jour de la publication de l’article d’Alison Healy. Coïncidence ?
Juin 2003 : par l’intermédiaire de l’ambassade de France à Londres, la présidente de la Cour d’Appel de Reims adresse à Le Ribault une nouvelle citation à comparaître au procès Chanal le 16 octobre 2003.
23 août 2003 : lancement d’un mandat d’arrêt international contre LLR. Prétextes officiels : exercice illégal de la pharmacie et exercice illégal de la médecine. Coïncidence ?
29 août 2003 : une feuille à scandale irlandaise (dont je n’ai évidemment jamais rencontré le moindre journaliste) publie un article consacré à Le Ribault, intitulé « Les prescriptions lucratives de Loïc Le Ribault ». Il y apprend qu’il est un criminel recherché, qui a échappé aux griffes de la gendarmerie française pour s’enrichir en Irlande. Pire : le torchon publie son adresse personnelle, suite à quoi, dès le lendemain de la parution de l’article, il commence à recevoir par téléphone des menaces de mort. Coïncidence ?
1er octobre 2003 : la Présidente de la Cour d’assises informe un des avocats de LLR qu’elle ne voit aucun obstacle juridique à sa déposition par vidéo conférence au cours du procès Chanal, et qu’elle en étudie les modalités pratiques avec le Procureur Général.
1er octobre 2003, encore : la date du procès de LLR (toujours l’inculpation pour exercice illégal de la médecine et de la pharmacie, etc.) est enfin fixée, après sept ans d’instruction : ce sera le 5 février 2004 à 14 heures devant la 4ème Chambre du Tribunal Correctionnel de Bordeaux.
2 octobre 2003 : la Cour européenne des Droits de l’Homme (à Strasbourg) fait parvenir à l’avocat de LLR Maître Blet les résultats de sa requête contre l’Etat français : elle l’informe que, le 23 septembre 2003, un comité de trois juges (les nommés A.B. Baka, président, C. Bîrsan et M. Ugekhelidze) a déclaré sa requête irrecevable, qu’aucun appel n’est possible, qu’on ne répondra à aucune de ses questions, et que son dossier sera détruit. Coïncidence ?
13 octobre 2003 : la Présidente de la Cour chargée de juger Chanal informe l’avocat de LLR qu’elle a finalement décidé de ne pas honorer son offre de vidéo-conférence : c’est trop compliqué à organiser.
Pourquoi ce revirement ? D’autant que le palais de justice de Reims est considéré comme l’endroit le mieux équipé en France pour ce genre de prestation…
Le même jour, le procureur général de Reims, Yves Charpenel, déclare au Nouvel Observateur que Le Ribault était dans les années 80 l’un des précurseurs et « l’expert national en matière de police scientifique », que c’est à ce titre qu’il a eu à analyser la terre retrouvée sur la pelle de Pierre Chanal, et que cette expertise avait été la première à apporter un élément scientifique rattachant Pierre Chanal à l’affaire des disparus du triangle de la Marne.
Il rappelle que Le Ribault a « formé toute une génération d’experts de police scientifique et a été ensuite en butte à une guerre farouche d’experts », qui, « liée à une certaine incapacité de gestion », ont amené le C.A.R.M.E à la faillite.
Yves Charpenel précise enfin que « M. Le Ribault, grand expert notamment de la silice, s’est postérieurement appuyé sur ses connaissances pour fabriquer des médicaments qui lui ont valu une mise en examen, en 1996, pour exercice illégal de la médecine, et même une incarcération et qu’il ne désire pas se présenter pour de nouveau risquer une incarcération. »
Merci, Monsieur Charpenel. Vous aviez tout compris…


14 octobre 2003 : Début du procès Chanal. Le Ribault est alors en Suisse, où il est interviewé par de nombreux journalistes de la presse écrite et de la télévision.

Nuit du 14 au 15 octobre 2003 : Chanal se suicide, paraît-il, alors qu’il se trouve sous la surveillance supposée continue de trois policiers, avec un contrôle médical toutes les quinze minutes.
Chanal ne parlera donc pas.
Et Loïc Le Ribault non plus… Double coïncidence ?

Le 21 novembre 2003, à 8 heures 25 mn : LLR est arrêté à Genève, et mis au régime de l’isolement jusqu’au 3 février 2004.
Après une parodie de procès à Bordeaux, il sera enfin libéré le 24 février. Dernière coïncidence ?